12 juil. 2009

Démocratie aveugle, oeil pour oeil...



Expulsé d'une maternité est plutôt synonyme d'heureuse nouvelle pour un bébé et sa famille. Malheureusement pas pour les squatters de la clinique Chanzy, à Montreuil, délogés mercredi 8 juillet 2009 à l'aube par 200 flics, dont des membres du Raid.
Cette maternité, vide depuis dix ans, est squattée par une vingtaine de personnes. Au début, écoutant les dires de certains, je pensais qu'il s'agissait de jeunes parisiens venus s'encanailler en banlieue et j'avoue m'être trompé.
Faut dire que cette maternité représente beaucoup pour de nombreux Montreuillois ; j'y suis aussi né en 1962… Qui sont ces squatters ? En réalité il s'agit d'un groupe hétérogène de jeunes gens animés par la même ambition : redonner vie à un lieu inoccupé depuis une décennie.
Ils y organisent des concerts, lectures, rencontres, bouffes, exposition… La femme de notre Président, proche soi-disant des artistes, doit être sans doute sensible à ce genre d'endroits chargés de culture. Bref, pas des êtres dangereux, plutôt de doux rêveurs qui croient encore au pays des droits de l'homme.
Délogés par le Raid, avec une extrême violence
Apparemment pas si doux puisque le Raid est venu accompagner la police pour les déloger avec une extrême violence. En règle général, ce groupe intervient plutôt sur des prises d'otages ou d'autres situations très limites. Comme me disait hier un ami dans un bar montreuillois, ils n'ont pas de terroristes sous la main et s'entraînent où ils peuvent.
Mais en fait, cette intervention aussi musclée -en écho à d'autres- est juste un reflet de notre pays en ce moment. Chaque citoyen est devenu un ennemi public numéro 1, surtout quand il vit en banlieue et n'a pas de cartes de visites à rallonges comme Bernard Tapie, ni de parachutes dorés pour échapper aux membres du Raid. Quoi qu'un ancien directeur de Libération a fait aussi les frais de ce genre de dérive…
Le soir de l'expulsion, lors d'une cantine et une déambulation pacifique devant la clinique, un homme a perdu l'usage d'un œil à cause de tirs tendus de flasball. Quelqu'un de fiché au grand banditisme ? Un terroriste ? Un dealer ? Pas du tout ! Juste un militant associatif.
Les nouveaux délinquants armés de flashballs
Que dire après tout ça ? Paraît que l'insécurité règne de plus en plus dans ce pays. Faut croire qu'il ne s'agit pas uniquement de la délinquance dont on nous rebat les chiffres à longueur de statistiques. Mais de ces nouveaux délinquants qui, à l'abri d'immeubles rehaussés de « Liberté, Egalité, Fraternité », veulent briser la moindre utopie ou chemin de traverse à coup de flasball.
Un jeune homme vient de perdre un œil et c'est la démocratie tout entière qui devient aveugle. Et cette tribune, écrite à chaud, est dédiée à ce militant hospitalisé.
Gardons les yeux ouverts sur le ventre d'où la bête immonde peut surgir à tout moment. L'Histoire n'est certes pas la même qu'aux heures sombres de l'occupation. Mais résister, comme écrivait Lucie Aubrac, est un verbe qui doit toujours se conjuguer au présent. Et en plus pas très loin de cette clinique, sur un monument dédié à la Résistance est inscrit : « Si l'écho de leur voix faiblit, nous périrons. »
Un œil perdu ne se remplace pas, monsieur le Préfet. Et faites attention que certains de ces jeunes, plutôt calmes pour le moment, ne commencent à penser « Œil pour œil »…

.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire