4 juil. 2009

Déclaration La Via Campesina de l’Amérique Centrale


CONSIDERANT:

Que ce dimanche Juin, le président José Manuel Zelaya, élu démocratiquement et dans le respect de la constitution par le peuple hondurien, s'est trouvé séquestré pendant des heures par des militaires dirigés par des groupes appartenant à l'oligarchie de ce pays, et qui n'accepte pas le désir de la majorité de vouloir construire ses propres lois.

Que en raison des évènements arrivés depuis ce jour là, les mouvements sociaux et l'ensemble de la société hondurienne ont défendu vaillamment et pacifiquement la démocratie bafouée, laissant entendre clairement à toute la communauté internationale que l'unique gouvernement choisi par le peuple était celui du Président Manuel Zelaya.

Et étant donné que tous les pays latinoaméricains qui forment le Groupe de Rio, l'organisation des Etats Américains (OEA), l'ALBA, ainsi que ceux du Système d'Intégration Centraméricaine (SICA) et l'ONU condamnent ce coup d'état militaire, désavouant catégoriquement le président de fait actuel , le dictateur Roberto Micheletti.

Les organisations membres de la Via Campesina d'Amérique Centrale convoquent aux activités suivantes :

1. Jeudi 2 Juillet au matin, l'Association des Travailleurs des Champs (ATC) au nom de la Via Campesina Internationale et plusieurs mouvements sociaux d'Amérique Centrale tiendront une conférence de presse à Managua.

2. Vendredi 3 Juillet, l'ATC, membre de la Via Campesina et d'autres organisations sociales du Nicaragua, du Salvador, du Guatemala se mobiliseront pour bloquer les différentes frontières avec le Honduras.

3. Depuis le Nicaragua, nous sommes en train d'organiser une mission internationale de délégués de la Via Campesina d'Amérique du Nord, d'Amérique Centrale, d'Amérique du Sud, et d'Europe, afin d'accompagner l'unique et légitime président du Honduras lors de son retour à ses fonctions le 4 juillet. La mission poursuit les objectifs suivants :

a) accompagner les dirigeants des organisations populaires, indigènes, syndicales et paysannes qui résistent actuellement

b) faire en sorte que les mandats de l'organisation des Etats Américains (OEA) et de l'ONU soient remplis

c) une fois, au Honduras, organiser des soulèvements populaires pour inciter la population à agir

d) Appeler le mouvement social hondurien à s'unir à cette lutte pacifique.

Une fois Mel Zelaya restauré dans ses fonctions, nous organiserons une seconde mission pour accompagner le président dans la fin de son mandat.

Nous demandons à tous les membres de la Via Campesina qui participeront directement à ces activités d'envoyer le plus tôt possible à l'adresse électronique de Fausto Torrez, leur nom et leur itinéraire de vol, afin que nous puissions les attendre à l'aéroport.

C'est le moment de construire l'intégration centraméricaine et latinoaméricaine. N'acceptons pas que nos droits soient piétinés, ils l'ont déjà été dans le passé. Aujourd'hui, nous nous sentons appelés à participer à la construction de notre propre histoire.

¡Globalisons la lutte, globalisons l'espoir !!!
¡Vive le mouvement paysan international!!!
¡Vive le peuple hondurien !!!


Pour contacter la Via Campesina à Honduras: Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir '; document.write( '' ); document.write( addy_text63750 ); document.write( '<\/a>' ); //-->\n

VIA CAMPESINA

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Guy Kastler : des plantes ayant subi des mutations sont déjà dans nos assiettes


OGM de deuxième génération, plantes mutées à coup de radiations, semences de synthèse dont les gènes seront numérisés et privatisés... Guy Kastler nous décrit ce que préparent les multinationales de l’industrie génétique et agroalimentaire. Le délégué général du Réseau semences paysannes explique également comment nous, jardiniers paysans ou simples citoyens urbains, pouvons empêcher cette destruction programmée du vivant. Entretien.

Guy Kastler, délégué général du Réseau semences paysannes, chargé de mission pour Nature et Progrès, membre de la Confédération paysanne et de la commission Biodiversité de Via Campesina, s’entretient avec Sophie Chapelle pour BastaMag, 11 mars 2009 [1]

Y a t-il aujourd’hui des plantes mutées dans nos assiettes ?
Oui, nous mangeons tous des blés mutés ou des potagères mutées. Contrairement aux plantes transgéniques, il n’y a aucune obligation d’information du consommateur. Les plantes mutées sont considérées comme des OGM par la directive européenne 2001-18, mais elles sont exclues de son champ d’application. Près de 3000 variétés de 170 espèces différentes obtenues à partir de mutations incitées sont recensées par l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique). Elles sont commercialisées sans aucun étiquetage et sans aucune évaluation environnementale ou sanitaire. Pourtant, de l’aveu même des chercheurs, le stress violent que subit la plante génère des recombinaisons génétiques aléatoires plus nombreuses qu’avec la transgénèse. Ces recombinaisons sont responsables de la plupart des effets nocifs des OGM sur la santé. Il n’y a aucune raison pour qu’elles soient inoffensives avec les plantes mutées.

Depuis quand l’Agence internationale de l’énergie atomique s’occupe-t-elle d’agriculture ?
Elle travaille depuis une dizaine d’années, en partenariat avec la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) sur l’augmentation de la production alimentaire des Etats membres. Ils justifient le recours à la mutagenèse par le besoin de trouver des plantes dès maintenant pour nourrir le monde.

En quoi consiste cette mutagenèse ?
Depuis les années 1950, les chercheurs travaillent sur des cellules qu’ils soumettent à un stress important : par irradiations - bombardements au cobalt ou rayons gamma - ou avec des produits chimiques très agressifs comme la colchicine. C’est ce stress qui provoque une mutation de gènes aussi appelée « mutation incitée » par l’AIEA [2]. Pendant des années, le coût de cette technique aléatoire a freiné son développement. Après avoir soumis des milliers de cellules au stress mutagène, il fallait les multiplier en autant de plantes avant de savoir si cette mutation présentait un intérêt. La connaissance aujourd’hui du génome de la plante rend la méthode de la mutagénèse intéressante économiquement et industrialisable. A partir du moment où l’on a la séquence génétique complète d’une plante, on repère immédiatement dans la cellule si un gène a muté ou pas et si la mutation est intéressante. Une dizaine de multiplications suffisent ensuite pour obtenir les lignées recherchées. La mutation incitée est considérée comme une « méthode de sélection traditionnelle », une tradition pourtant bien récente. On ne ferait qu’accélérer le processus naturel de modifications spontanées des plantes, au fil des millénaires et de leur co-évolution avec l’environnement [3].

La lutte contre les « simples » OGM est-elle déjà dépassée ? Où en est le rapport de force au niveau européen ?
La bagarre contre les OGM de première génération - OGM pesticides et/ou OGM résistants à un herbicide - n’est pas gagnée en Europe. Depuis 15 ans cependant, nous maintenons un rapport de force qui nous est favorable et qui est important pour les pays du Sud car il justifie leurs moratoires. Mais cela risque d’évoluer avec l’arrivée sur le marché des OGM de deuxième génération. Ces OGM sont dits « sécurisés » et « éco-compatibles » car ils sont censés garantir l’absence de risque pour l’environnement et la coexistence entre les cultures OGM et les autres cultures. Leur transgène deviendrait inactif avant la floraison ou la récolte, ou ne serait pas activé sans l’usage d’un produit chimique. Cela empêcherait toute contamination. Actuellement, ces OGM de deuxième génération font l’objet de recherches dans le cadre d’un programme appelé « Transcontainer » financé par la Commission européenne.

OGM de deuxième génération en préparation, plantes mutées déjà commercialisées... Que nous préparent encore les apprentis sorciers du 21ème siècle ?
Pendant longtemps, la biologie moléculaire a reposé sur l’idée qu’à un gène correspondait une protéine. Lorsque l’on modifiait un gène, on pensait ne modifier que la protéine. Ce dogme est totalement remis en cause aujourd’hui par la biologie synthétique. Aussi appelée biologie « systémique », elle porte sur la manière dont les gènes sont reliés entre eux. Les liens qui organisent les relations entre les gènes influeraient tout autant que les gènes eux-mêmes sur la présence et la nature des protéines. C’est ainsi que des chercheurs travaillent actuellement sur la combinaison de plusieurs gènes en vue de créer des plantes résistantes à la sécheresse. Mais ces recherches n’ont pas abouti pour le moment.

Dans la transgénèse, les gènes transférés sont déjà issus de synthèse chimique recopiant la séquence de gènes naturels. Aujourd’hui, une nouvelle étape est franchie. On passe de l’insertion de gènes synthétiques dans des organismes vivants réels - les OGM - à la mise en réseau de ces gènes et à la fabrication de portions de génomes ou de génomes totalement synthétiques. Autrement dit, il est possible de fabriquer aujourd’hui des organismes vivants et reproductibles complètement nouveaux. Des laboratoires ont réussi à le faire avec des bactéries. Leur travail porte aujourd’hui sur les plantes. C’est là que réside le principal danger : la plante entière étant fabriquée par synthèse, les chercheurs n’ont plus besoin de graines vivantes mais seulement de leur séquence génétique numérisée dans un ordinateur.

Les banques de semences, qui conservent la biodiversité des plantes cultivées, risquent-elles d’être abandonnées au profit de semences « numériques » privatisées ?
C’est déjà le cas, notamment dans les pays du Sud. C’est la mission des Etats de préserver les ressources génétiques - animaux, microbes, plantes - et de les mettre à disposition de tous. Cette mission est d’autant plus essentielle dans les pays qui ont industrialisé leur agriculture que la biodiversité cultivée dans les champs a disparu. Cette mission est pourtant délaissée progressivement au prétexte de manque de crédits. Une partie des banques de gènes est aujourd’hui privatisée, avec un accès de plus en plus restreint pour l’agriculteur ou le jardiner. Toutes les firmes ont construit leurs propres banques de gènes grâce à leur accès facilité aux banques de semences publiques.

En France, le Bureau des ressources génétiques (BRG) a été absorbé par une Fondation de droit privé (Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité) ouverte aux fondateurs publics - INRA [4], CNRS, Muséum national d’histoire naturelle, CIRAD... - mais également privés [5]. Ceux-ci siègent d’office au Conseil d’administration où ils deviendront facilement majoritaires.

Sur l’île de Svalbard en Norvège, les fondations Bill Gates et Rockefeller ont financé une banque de gènes dans laquelle sont entreposés dans le froid plus de 4,5 millions d’échantillons de semences. L’accès à cette banque est réservé aux institutions contrôlées par les multinationales semencières. Ces semences ne seront pas ressemées : elles perdront rapidement toute leur capacité de germination. Même mortes, elles pourront livrer leurs séquences génétiques aux ordinateurs de l’industrie, convaincue de sa capacité à recréer un monde artificiel à partir de ces seules séquences. Un monde qui sera totalement fiché par la marque des droits de propriété industrielle sur les gènes. Mais l’industrie ne pourra jamais faire des plantes capables de s’adapter partout. Elle en fabriquera quelques-unes pour toute la planète, qui ne pousseront qu’avec davantage d’engrais chimiques et de pesticides. En agissant ainsi, elle remet en cause la possibilité même de nos enfants de se nourrir.

Comment éviter cette destruction du vivant ?
Créé en 2003, le Réseau Semences Paysannes s’est développé très rapidement avec l’apparition des OGM. Paysans et jardiniers ont pris conscience que s’ils ne voulaient pas avoir d’OGM, ils devaient s’emparer du travail de conservation, de sélection et de multiplication des semences. La première étape a donc été de se réapproprier les savoirs et les ressources génétiques pour les remettre dans les champs. Tout en continuant ce travail de réappropriation, nous sommes en train de passer à une deuxième étape. Face au risque de disparition de milliers de graines enfermées dans des banques, face à l’impossibilité de sélectionner des plantes saines à partir de semences commerciales modernes trafiquées - à cause de la perte de leur qualité nutritionnelle et du besoin d’engrais chimiques pour pousser - nous appelons à vider les banques de semences pour faire des maisons de la semence.

A quoi servent ces maisons de la semence ? Quel rôle peuvent jouer les simples citoyens
L’idée des maisons de la semence est que paysans et jardiniers s’y regroupent pour mettre leurs semences en commun et gèrent ensemble ce patrimoine. On ne peut pas chacun de son côté replanter chaque année 500 à 800 variétés de semences. Dans la mesure où l’Etat privatise cette mission de service public, la société civile doit s’en emparer en faisant reposer la gestion de ce patrimoine sur une organisation collective. Les paysans ont un rôle clair à jouer dans ce travail de culture. Les jardiniers amateurs sont aussi une composante essentielle. Ils ont préservé ces dernières années des milliers de variétés anciennes de potagères ou d’arbres fruitiers qui seront une bonne partie de l’alimentation de demain. Pour celles et ceux qui n’ont pas de terre, nous avons besoin d’une aide administrative mais aussi de personnes qui communiquent sur ce travail et lui donnent du sens. La société civile doit aussi nous aider à mobiliser les élus pour la reconnaissance des droits des paysans et des jardiniers à conserver, ressemer et échanger leurs semences. Des conseils municipaux ont déjà pris des délibérations pour cela.

Les lois actuelles empêchent donc les paysans de ressemer leur propre récolte ?
Le verrouillage juridique est de pire en pire. En France, les agriculteurs n’ont pas le droit d’échanger des semences. Ils ne peuvent plus ressemer une partie de leur récolte sans payer de royalties, c’est à dire une redevance aux semenciers. On parle de « contribution volontaire obligatoire » pour le blé tendre. C’est un système qui pourrait être étendu à toutes les espèces. On a encore le droit aujourd’hui d’échanger des semences qui ne sont pas inscrites au catalogue à titre payant ou gratuit si c’est pour une exploitation non commerciale. On peut par exemple vendre une semence à un jardinier amateur car il va consommer sa propre récolte et ne pas la vendre sur un marché. Mais cette dernière marge de manœuvre risque aussi de disparaître avec une réforme actuelle des règlements européens. Pourtant, le Parlement a ratifié un traité, le TIRPAA [6], qui reconnaît les droits des paysans à ressemer, échanger et vendre leurs semences. Mais le gouvernement n’applique pas ce traité et une campagne citoyenne est aujourd’hui indispensable pour la reconnaissance de ces droits.

Ces alternatives ont-elles des équivalents en Europe ?
Des réseaux ressemblent beaucoup aux nôtres en Italie, en Espagne, en Allemagne ou en Autriche. La mobilisation citoyenne en Europe sur le thème des semences prend de l’ampleur et accompagne très souvent les luttes anti-OGM. Nous avons du retard sur les pays du Sud où la conservation de la biodiversité est le premier acte de l’agriculture vivrière. Tous ces paysans conservent et échangent leurs semences. Leur mobilisation aujourd’hui est extrêmement importante à la fois contre les lois européennes qui s’imposent à l’ensemble de la planète, et contre les Ogm pour protéger leurs semences des contaminations. Nous avons beaucoup à apprendre des pays du Sud.

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HADOPI 2 - Chroniques d'un naufrage annoncé.


L'HADOPI 2 est tout aussi anticonstitutionnelle que la précédente. Une polémique se développe pour savoir si le Conseil d'État a soulevé de nouveaux risques d'inconstitutionnalité, ou s'il les a seulement envisagés à la demande de son rapporteur. Cette question ne doit pas cacher le fond du dossier. La Quadrature du Net publie une analyse détaillée et invite les parlementaires de tous les groupes à rejeter ce texte qui bafoue le droit à une procédure judiciaire contradictoire et la présomption d'innocence, et porte atteinte à la séparation des pouvoirs.

Nicolas Sarkozy montre qu'il se moque du Conseil constitutionnel en faisant présenter un nouveau texte destiné à réintroduire les principes censurés de l'HADOPI. Ce nouveau texte "HADOPI 2", bientôt examiné au Sénat et à l'Assemblée, risque fort d'être aussi inconstitutionnel que le précédent :

* HADOPI 2 prévoit que l'autorité administrative donnera un dossier tout ficelé au juge pour qu'il prononce la sanction et notifiera elle-même les fournisseurs d'accès. Il s'agit là d'une confusion des missions de police et de justice, ce qui constitue une grave entorse au principe de séparation des pouvoirs.
* La coupure de l'accès à Internet (peine portant atteinte à la liberté d'expression selon le CC) pourra être appliquée pour de simples contraventions. Cette pirouette juridique ouvrirait la porte à ce que des coupures d'accès soient ordonnées pour n'importe quel délit mineur défini ultérieurement, par voie administrative. Cette peine est totalement disproportionnée par rapport à la gravité d'une contravention.
* Les utilisateurs dénoncés à l'HADOPI seront toujours présumés coupables, et n'auront aucun moyen matériel de prouver leur innocence. La charge de la preuve est inversée comme le soulignait le Conseil constitutionnel1 et la présomption de culpabilité est irréfragable.
* Les dossiers qui pourraient être transmis au juge par l'HADOPI reposent sur des preuves sans valeur qui ne permettent pas de prouver une contrefaçon. Ils sont uniquement basés sur des adresses IP relevées par des acteurs privés. La porte reste ainsi inévitablement ouverte à des condamnations d'innocents.

« Ce nouveau texte ne change rien à l'inconstitutionnalité du dispositif de "riposte graduée", que la sanction soit aux mains du juge ou de l'HADOPI. Il est promis à la censure, tout comme le précédent. Ce bricolage juridique, sans rapport avec la création ni son financement à l'ère numérique, est une injure à nos institutions et aux valeurs de la République, » s'indigne Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net.

L'initiative citoyenne publie une analyse détaillée de “l'HADOPI 2”2 et de la tentative de flibuste du “corsaire Sarkozy”3. Elle invite ses soutiens à contacter les sénateurs et les députés pour les convaincre de faire honneur à leur mandat en rejetant ce texte.

« Internet n’est pas un “espace de non-droit”. On ne légifère pas anticonstitutionnellement dans le cyberespace plus qu'ailleurs. Avant une probable nouvelle censure, les parlementaires doivent refuser de se laisser embarquer dans cette nouvelle galère, » conclut Gérald Sédrati-Dinet, analyste et co-fondateur de La Quadrature.

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Grève de la faim au centre de rétention de Vincennes


Le centre de rétention de Vincennes a été entièrement détruit par un incendie le 22 juin 2008 après la mort, la veille, d’une personne retenue. Ce centre de rétention a à nouveau ouvert en décembre dernier.

Il comprend aujourd’hui 60 places. Des intervenants de la Cimade sont présents au quotidien dans ce centre de rétention, ils accompagnent les étrangers retenus et les assistent dans l’exercice de leurs droits.

Ces dernières semaines des tensions importantes sont à nouveau apparues dans le centre de rétention de Vincennes. L’angoisse et le désespoir ont poussé de nombreuses personnes à des tentatives de suicide et à des automutilations.

Depuis deux jours, les personnes retenues dans ce centre ont entamé une grève de la faim. Après plusieurs réunions des étrangers retenus, 48 d’entre eux (c’est-à-dire la quasi-totalité des personnes) ont décidé d’engager un mouvement de grève de la faim pour faire valoir leurs revendications.

Nous reproduisons ci-dessous le document qu’ils ont écrit et transmis aux responsables du centre de rétention ainsi qu’à la Préfecture de Police de Paris. Avis de grève de la faim

Nous, l’ensemble des retenus du centre de rétention de Vincennes, après concertation générale, avons convenu et décidé d’entamer une grève de la faim à partir du 30 juin 2009 jusqu’à satisfaction totale de nos revendications qui sont les suivantes :

1/ Apporter une solution rapide et efficace aux retenus traumatisés par les tentatives de suicide à répétition.

2/ Améliorer les conditions de rétention dans le centre : soit la nourriture, l’hygiène et tous les services internes avec l’administration et la police.

3/ Prendre en considération les retenus souffrant de maladie grave et leur offrir des soins à l’extérieur du centre.

4/ Libérer les retenus ayant une situation familiale et des enfants à charge nés et issus d’un mariage sur le sol français.

5/ Offrir un nombre suffisant d’avocats commis d’office durant les audiences pour les retenus.

6/ Donner le choix aux retenus désirant quitter la France par leurs propres moyens pour préserver leur dignité.

7/ Remédier aux conditions de mouvement et de déplacement des retenus et à la longue attente avant et après les audiences.

8/ Donner plus de temps aux retenus libérés après 32 jours de rétention pour pouvoir remédier à leur situation régulière ou rentrer dans leur pays d’origine (afin qu’ils puissent régulariser leur situation ou rentrer dans leur pays d’origine).

9/ Arrêter les contrôles massifs et abusifs dans les rues qui portent atteinte à la liberté et à la dignité des personnes.

10/ Respecter le règlement intérieur des retenus et les informer de chaque mouvement.

11/ Fermer les centres de rétention et régulariser les sans-papiers.

3 juil. 2009

Quel avenir pour la Romaine ?, par Jean-Marie G. Le Clézio


Regardez bien la photo qui accompagne cette tribune, car dans quelque temps, elle ne sera peut-être plus qu'un souvenir.

La rivière Romaine est un de ces lieux merveilleux qui ont survécu sur notre planète très maltraitée par la civilisation industrielle. C'est un fleuve long de près de 500 kilomètres qui unit les régions arctiques du Québec à la côte atlantique, au-dessus de l'estuaire du Saint-Laurent. Né dans les forêts du Grand Nord, il traverse tous les systèmes naturels et alimente un vaste bassin fait de lacs, de rivières et de rapides.

Depuis toujours ce fleuve est le domaine où nomadisent les Innus, tribu indienne connue au Québec sous le sobriquet de Montagnais. Les Innus vivent en harmonie avec la rivière Romaine, elle est leur mère nourricière (le nom Romaine dérive de la langue innue, uramen qui signifie rouge, à cause de la couleur des roches). Pour eux, elle est une rivière sacrée, parce qu'elle est liée à leur histoire depuis des millénaires, et parce qu'elle est leur pourvoyeuse en gibier, en poissons, et aussi en plantes médicinales et en baies pour la collecte.

La compagnie Hydro-Québec est une multinationale caractéristique du grand capitalisme, avec des intérêts à la fois au Québec et aux Etats-Unis. Son projet consiste, à partir de 2009, dans la construction de quatre barrages en vue de la production d'électricité qui sera vendue directement aux Etats-Unis, grand consommateur d'énergie (fossile ou naturelle). Ces barrages géants (certains devront atteindre 200 mètres de haut) anéantiront la plus grande partie de la rivière et du bassin qui en dépend. La forêt disparaîtra, ainsi que toute vie, et le résultat sera pendant longtemps la décomposition végétale et l'asphyxie de l'écosystème. La nation innue sera privée d'un seul coup de son lieu de vie.

Certes, des dédommagements sont prévus. Avec cet art de la division qui caractérise la conquête des espaces naturels, Hydro-Québec a réussi à convaincre une partie de la tribu innue de recevoir des indemnités. L'on peut comprendre que, devant l'ampleur du projet et les intérêts économiques colossaux qui sont en jeu, certains puissent renoncer à se battre. Que vaut la parole d'un autochtone contre la puissance d'une multinationale ?

Une femme innue n'a pas renoncé. La poétesse Rita Mestokosho, de la communauté de Mingan, a décidé de livrer combat pour sauver la Romaine. Pour la rivière, comme pour sa grand-mère, elle écrit des poèmes, elle récite des discours, elle raconte ce que cela représente pour la survie et l'enchantement des générations futures. Elle ne parle pas seulement des hommes, elle parle aussi des animaux et des plantes, de tout ce qui compose la vie dans ce monde qui est le sien, auquel elle doit tout, et que son peuple a toujours refusé de posséder pour pouvoir le partager. Avec l'aide des associations et des groupes de protection des minorités - tels que Survival International -, elle cherche à faire arrêter le monstrueux projet de Hydro-Québec.

Elle parle de la fragilité de cette rivière, du désastre écologique que représenterait l'inondation de la vallée, des routes qui sabreront la forêt autour du chantier. Elle parle de la fragilité de son peuple, que le projet condamne à mort. Pour ceux que ces arguments n'émeuvent pas, elle a décidé d'avoir recours à l'argument juridique. La nation innue, contrairement à la plupart des autochtones canadiens, n'a jamais signé de traité de paix avec l'Etat du Québec. Le mode de vie ancestral des Innus les rend usufruitiers de la forêt et du bassin de la Romaine, et ils ne sauraient être réduits à une réserve, ni à quelques villages. Rita Mestokosho est prête à aller jusqu'au procès contre Hydro-Québec.

Si ce procès a lieu, il fera date dans l'histoire, parce qu'il ne sera pas seulement le procès de la nation Innue contre une entreprise multinationale. Il sera aussi l'appel au secours de tous ceux qui, à travers le monde, minoritaires sur leurs propres terres, demandent qu'on entende leur voix et qu'on leur rende justice. Ils sont faibles, mais leur voix est forte. Si, malgré l'évidence des erreurs de choix du monde technocratique moderne, la rivière Romaine venait à disparaître, nous aurions tous perdu quelque chose dans cette bataille, et nous serions en droit de nous interroger avec amertume sur le futur qui se prépare pour notre descendance.

Dimanche 21 juin, j'apprends de Rita que le procès n'aura pas lieu. La nation innue, sous la pression des avocats de Hydro-Québec, a décidé de se rallier au projet. Leur accord comprend une clause définitive par laquelle ils doivent renoncer à toute possibilité ultérieure de porter plainte. On peut comprendre l'argument décisif : tout simplement, cela se fera avec eux, ou sans eux. Il est facile, dans une situation de confort moral, de critiquer cette décision. L'on fait miroiter la promesse d'une amélioration économique, d'emplois pour la jeunesse.

La destruction de la rivière Romaine reste néanmoins un drame irréversible dont personne ne peut mesurer les conséquences. Cela me rappelle ce qui se passait aux Etats-Unis il y a vingt ans, alors que les populations indiennes n'avaient pas encore inventé le recours aux casinos pour survivre. Les Apaches de Ruidoso (Nouveau- Mexique) avaient accepté d'offrir leur réserve pour l'enterrement des déchets radioactifs provenant des centrales nucléaires. Pour répondre à la demande grandissante d'énergie des régions les plus avides de notre planète, l'on sacrifie l'existence, l'avenir, la beauté du précieux héritage commun. Restera la mémoire, la voix de Rita Mestokosho, légère et durable avec Nipin :

"Ce mot est une saison
C'est aussi le son que font les saumons
(dans le rêve du pêcheur
Pourtant il nage avec force
avec son dernier souffle
Pour laisser échapper tout ce qui reste
(de son dernier voyage
Viendront aussi les petits fruits
que mon grand-père l'ours attend
au détour d'une rivière
et lorsqu'il se nourrit de l'été
sa graisse dégage toute la valeur
(de la vie.
Moi je puise l'eau qui nettoiera
(mon âme
et les pierres mes grands-pères
guideront mon coeur"

L'imagination au service de la politique du chiffre : et si on refoulait les étrangers en situation régulière ?

2 juillet 2009

Depuis une note de la direction centrale de la police aux frontières du 25 mai 2009, les personnes qui résident en France avec un document de séjour de courte durée et qui ont le tort de quitter le territoire pour quelques jours se voient systématiquement refuser tout retour.
Ces personnes sont refoulées dans leur pays de provenance ou d'origine (peu importe qu'il s'agisse de demandeurs d'asile). Elles sont supposées y demander un visa, dont on sait parfaitement qu'elles ne l'obtiendront jamais.
Alors que les règles légales n'ont aucunement changé et qu’ils n'ont jamais été avertis de ce changement de pratiques, les intéressés ont ainsi la surprise, lorsqu'ils veulent rentrer chez eux, de se voir aussitôt refoulés à peine débarqués de l'avion.
Le Conseil d'État s'est déjà prononcé, depuis plusieurs années, sur la parfaite illégalité de ces pratiques, qui viennent d'ailleurs d'être à nouveau condamnées par la justice en tant que violation grave et manifestement illégale de la liberté fondamentale d'aller et venir1.
Pour autant, imperturbablement, et quotidiennement, la police aux frontières (PAF) continue de violer la loi.
L'association malienne des expulsés2 (AME) vient d'annoncer une procédure contre les compagnies Air France et Aigle Azur qui appliquent en amont ces nouvelles directives3, et empêchent les personnes concernées de monter à bord pour rentrer chez elles.
L'effet, sinon l'objet, de ces pratiques, est simple : “faire du chiffre”4 au titre des refus d'entrée, et interdire tout retour sur le territoire de personnes qui y vivent tout à fait régulièrement, bien souvent y travaillent, y ont leur famille. Elles doivent être rapprochées de celles des préfectures françaises qui multiplient la délivrance de récépissés ou autorisations précaires au détriment des titres de séjour en bonne et due forme5 auxquels les personnes ont droit. Il n'est ainsi pas rare de rencontrer des étrangers titulaires depuis plusieurs années de récépissés ou d’autorisation provisoire de séjour (APS) renouvelés.

L'Anafé prépare un recours contre la note du 25mai qui systématise ce déni de droit.

Contacts presse : Jean Eric Malabre 05 55 79 89 30 et Caroline Maillary 01 43 67 27 52
Anafé -
21 Ter, rue Voltaire -
75011 Paris -
Tél/Fax : 01.43.67.27.52 -
http://www.anafe.org

1 Juge des référés: TA CERGY 8/6/2009 n° 0906263
2 http://www.expulsesmaliens.org/
3 http://www.rfi.fr/actufr/articles/114/article_82161.asp
4 Voir Libération 30 juin 2009 p. 17 Les frontières intérieures de la police aux frontières, citant un quota de 100 inadmis (individus non admis sur le territoire) par fonctionnaire et par mois à ORLY.
5 Voir L'état des lieux 2009 de La Cimade : http://cimade.org/nouvelles/1702-MIGRATIONS--L--tat-des-lieux-2009-de-La-Cimade

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Environnement et cancer


L'avis présenté hier par l'AFSSET risque d'en déranger plus d'un : la pollution de l'environnement est directement montré du doigt dans l'incidence des cancers, ce qui vient contrebalancer l'avis de l'Académie de médecine qui avait tendance à minimiser l'effet de l'environnement. Le Cniid était présent hier à la restitution où les rares industriels présents (EDF, Renault) ont fait profil bas. Il faut savoir que cet avis arrive après un travail de titan de l'INSERM qui avait sorti un rapport de plus de 900 pages en octobre dernier.

Comme l'a dit le Directeur de l'AFSSET (sur le ton de l'ironie) : "avec la pollution de l'air, c'est 100% de la population qui est exposée et c'est difficile de substituer l'air et de ne plus le respirer". Il a notamment parlé des particules fines dont l'effet cancérogène est avéré (je vous renvoie à l'excellent doc de Gilles Nalbone sur les particules émises en qté importante par l'incinération mais non contrôlées). Pour les risques non avérés de certaines molécules, il est essentiel de ne pas attendre d'avoir de preuves de toxicité : le principe de précaution doit s'imposer.

Pour l'AFSSET, près des 2/3 des cancers ne sont pas expliqués et la mise en place de biomarqueurs est recommandée. De même, ils ont insisté sur la faiblesse des registres des cancers au niveau local, ce que nous dénonçons collectivement depuis longtemps. On pourrait rajouter la rétention par les autorités des données liées à la santé publique (cf la DRASS sur la pollution à l'Etang de Berre).

Une juge d'instruction présente (TGI de Paris) n'y a pas été par 4 chemins : elle a directement mis en cause les lobbies industriels dans les contentieux juridiques liés au question sanitaires.

Espérons que nos décideurs ne vont pas classer sans suite cet avis de l'AFSSET.
L'avis de l'AFSSET sera dispo incessamment sous peu sur leur site : www.afsset.fr

source :CNIID

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Magalie condamnée en appel


Magalie relaxée en première instance des chefs d'inculpation d'outrage rébellion et violence contre des personnes dépositaires de l'autorité publique a été condamnée en appel

Le jugement a été rendu ce vendredi 5 juin à la cour d'appel de Bordeaux.

Sur la plainte pour outrages, Magalie a été relaxée.
La plainte pour violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique a été requalifiée en rébellion et Magalie est condamnée à une amende de 1000€.
Une audience au civil pour les dommages et intérêts est fixée au 2 octobre.

Nous ne pouvons qu'être profondément troublés et indignés par ce jugement en appel.

A la première audience, les contradictions entre les déclarations des policiers et l'invraisemblance de la situation ayant conduits aux sois disant blessures des policiers avaient été largement démontrées. La relaxe avait été logiquement prononcée.

Au cours du procès en appel, certains des policiers ont fait des déclarations contradictoires à celles de la première instance. L'un d'eux voulait même porter plainte pour violence alors qu'on première instance il n'avait porté plainte que pour outrage.........

L'avocat général ne voulant bien sur pas demander la relaxe pour Magalie et de fait condamner les policiers pour fausse déclaration et non respect de la déontologie dans ce type d’arrestation, a suggéré aux juges de requalifier en rébellion.

Les juges de la cour d’appel ont suivi l’avocat général…….

Magalie dispose de 5 jours pour se pourvoir en cassation….la limite est donc mercredi….
Les attendus du jugement ne seront disponibles que mardi…..
Si la décision d’aller en cassation n’est pas encore prise…..tout laisse à penser que c’est le chemin qu’il faut suivre…..Il y a une demi relaxe ou une demi condamnation….il est hors de question de rester au milieu du gué…

D’autres actions juridiques sont envisagées après avoir pris connaissance du rapport de la commission de la déontologie de la sécurité qui a été saisie.

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La jugement prononcé logiquement en première instance ne doit pas être bafoué par d’autres juridictions.

La croissance exponentielle des condamnations pour outrages et violences à agents n’est pas une fatalité !

2 juil. 2009

Pourquoi se voiler la face alors qu’on porte déjà une burqa ? (réflexions, pour une fois décousues, sur les médias et l’Iran)



Jamais je ne demanderais pardon au nom des Etats-Unis - quelles que soient les raisons."
réaction du Président George Bush (père)
après qu’un avion de ligne régulière iranien
ait été abattu par un missile états-unien en 1988

J’aime bien les révolutions. Vous aussi non ? Comme je vous comprends. Toute cette agitation, toute cette société en mouvement. Cette ambiance bon enfant et ces banquiers que l’on fusille à l’aube, ces journalistes que l’on pend à midi et ces politiques que l’on étripe le soir. Et dire que la nuit ne fait que commencer, qu’elle promet d’être longue et que toi non plus tu n’as rien de mieux à faire… (Ben quoi ?!? On peut rêver, non ?)

Alors, lorsque j’ai entendu « viens voir, y’a la révolution ! » je me suis de suite interloqué « Mon Dieu, mais où ça ?!? » tout en me précipitant à la fenêtre armé d’une fourche que je range sous mon lit depuis des années en attendant cette occasion. « Là, regarde ! » Mais où ça meeeerde, je ne vois RIEN !

Etais-je devenu aveugle ? Les scènes paisibles de la rue devant moi n’étaient-elles donc qu’une hallucination ? Un festival de souvenirs anciens que mon cerveau projetait dans ce ciné-club à la dérive que ma raison était devenue ? Qu’à cela ne tienne, aveugle ou pas, je n’allais pas rater mon rendez-vous avec l’histoire.

« O, guide moi, ma douce. Prend ma main et sois témoin de qu’elle ne tremble pas. Prend-la, ma mie, et plante cette fourche dans le gras d’un manant que tu auras choisi pour moi. Et si mes yeux errent dans le noir, que mon geste soit ferme et que ma main sente la légère résistance du tissu de la veste avant que les pointes ne s’enfoncent dans la chaire molle et que ne giclent les… »

- « Là, à la téloche. Y’a une révolution à la téloche ».

- Ah ouais, maintenant je vois.

Ca faisait si longtemps que je n’avais pas regardé un écran de télévision pour autre chose qu’un film. Là, c’était « les infos » comme ils disent (sans déconner). Avant, j’étais comme vous. Je regardais. Oui, vautré aussi, devant la télé. Me curant le nez, comme vous, exact, devant la télé. Oui, et ça aussi, mais juste une fois, et devant la télé.

Une fois sevré, c’est dur d’y revenir. C’est là que l’on se rend compte à quel point elle est agressive, polluante et débile. Vous croyez me comprendre, parce que vous intellectualisez bien l’idée, mais je vous assure que vous ne pouvez pas vraiment comprendre si vous n’avez pas essayé. Après des années passées sans télévision, m’assoir devant ce truc pendant plus de 10 minutes me rend nerveux. Parfois, histoire de faire plaisir, je me plie au cérémonial. Puis vers 1 heure du matin je découvre qu’il n’y a plus de pop-corn, que nous étions dimanche et que maintenant c’est lundi et que oh p’tain je dois me lever tôt et enfin que je ne sais plus très bien comment je m’appelle ni comment je suis arrivé là. Une vraie cochonnerie vous dis-je. Mais comme tous les camés, vous ne m’écoutez pas vraiment. Tant pis, j’aurais essayé.

Aimer la révolution, c’est bien. En parler avec sa voisine, c’est encore mieux.

- Alors, c’est quoi cette révolution à la télé ? Ils ont enfin embauché de vrais journalistes ? CA, ça serait une révolution !

- « Mais non, regarde, y’a des arabes qui gueulent à cause d’une élection qu’on leur a volée. »

- Bah, l’assurance les remboursera.

- « Rigole pas, c’est comme en Chine, là, sur la place Bir Hakheim ou j’sais pas quoi ».

- Tienanmen ?

- « Ouais. Sauf que c’est des arabes - en Iran. »

Et soudain mon intérêt est piqué au vif. Alors au diable les principes, ce ne sont pas quelques minutes devant ce rectangle luminescent qui vont me tuer, quand même, que diantre. La suite est une reconstitution réalisée grâce aux boites noires retrouvées dans le salon après que mon cerveau ait explosé en plein vol.

- Ce ne sont pas des arabes, ce sont des Perses.

- « Qu’est-ce que t’en sais ? T’es déjà allé en Persie ? »

- Ben non, mais…

- « Alors qu’est-ce que t’en sais ?!? Et si ce n’est pas des arabes, pourquoi ils sont habillés en arabes ? »

- Ils ne sont pas habillés EN arabes, ils sont…

- « Hé ! Ecoute, écoute ! ils viennent de dire « musulmans » à la télé… t’entends ? Musulmans ! Alors tais-toi, tu ne peux pas tout savoir de toute façon et là tu as visiblement atteint les limites de ton incompétence. »

- M’enfin, tous les musulmans ne sont pas des arabes !

- « Oh toi, tu vas encore me parler de Cat Stevens… Et même qu’il y aurait a contrario quelques chanteurs arabes convertis au christianisme, qu’est-ce que ça change, au fond ? »

(Y’a pas un film qui passe sur une autre chaîne ?)

- « La preuve : regarde le type dans la manif qui passe devant la caméra, là. Il porte un t-shirt noir avec le logo Armani plus large que le t-shirt lui-même ».

- Et alors ?

- « Y’a qu’un arabe pour porter aussi ostensiblement un faux t-shirt Armani. Oh ! Et celle là, regarde, avec des lunettes de soleil Gucci. Tu sais combien ça vaut une vraie paire de Gucci ? »

- Tu es sûrement la seule personne que je connaisse qui peut assister à une révolution en directe et t’attarder sur les marques de…

- « Remarque, t’as peut-être raison. Il se pourrait qu’ils ne soient pas arabes… »

- Ah, tu vois, puisque je te dis que ce sont…

- « …peut-être des juifs, parce que les juifs aussi maitrisent l’art de l’ostentation ringarde, sais-tu ? »

(Pitié.)

- Porter un t-shirt Armani prouverait plus une appartenance à une classe sociale qu’à une ethnie, tu sais…

- « Stop ! j’t’arrête toute suite. Ce n’est pas parce qu’on est arabe qu’on peut pas être bourgeois ! Tu fais ch… avec tes préjugés… »

- Mais je dis le contraire !

- « Tu avoues te contredire, c’est mieux que d’habitude. Oh, écoute, ils font la révolution verte par le biais d’Internet. Ils sont vraiment cools. Ecolos ET branchés. Musulmans, mais modernes ! »

- Lorsqu’ils auront épuisé la palette pour colorier leurs « révolutions spontanées » (sauf le rouge, évidemment), les américains passeront peut-être aux prénoms, comme pour les cyclones. Au fait, je crois que la couleur verte fait plutôt référence à l’Islam qu’à l’écologie.

- « Quoi ? Tu dis que Cohn-Bendit serait musulman et pas écolo ? Mais tu délires complètement… »

- …

- « Au fait, pourquoi tu parles des Américains ? Tu vois encore des Américains partout ? T’as été voir ce médecin que je t’avais conseillé ? »

- En fait, j’en sais rien. Je croyais en avoir vu à Bagdad mais je n’ai jamais été en Irakie alors c’est peut-être juste des rumeurs. Au fait, pourquoi ils manifestent ?

- « parce qu’ils ont perdu les élections. Ils sont pas contents parce qu’ils auraient du les gagner »

- Du les gagner ? Il y a eu fraude électorale alors.

- « Tu m’étonnes ! Qui voterait pour Ahmadinejad ? Pas moi en tous cas. »

- Alors, Ahmadinejad a gagné ou pas ? Il y a eu fraude ou pas ?

- « Pourquoi tu me cherches des poux ? Fraude ou pas fraude, il faut les soutenir ces gens. On est en train de défendre la démocratie là »

- Euh… S’il n’y a PAS eu fraude, et si tu soutiens les manifestants, alors tu es en train de soutenir quelque chose qui ressemble à une tentative de coup d’état…

- « Coup d’état ? Mais tu vois bien que ce ne sont pas des militaires. Tu veux un coup d’état ? Va voir au Honduras, là c’est un coup d’état. »

- Là-bas, ils ont coupé tous les moyens de communication, fermé les médias indépendants, arrêté les journalistes, pour que le peuple ne puisse pas communiquer. Apparemment, ils n’ont pas Twitter au Honduras.

- « Ils vont voir ce qu’ils vont voir lorsqu’Obama va se fâcher. »

- finalement, pour un pays régulièrement menacé d’être bombardé depuis des années, pour un pays totalitaire, ils sont relativement cools.

- « quelqu’un veut bombarder le Honduras ? »

L’ancien ambassadeur US au Honduras, qui avait tellement de pouvoir qu’on l’appelait aussi le « proconsul », s’appelle John Negroponte. Il était connu pour couvrir les exactions des escadrons de la mort dans ce pays. De là il organisa la contre-révolution contre le Nicaragua voisin et le Honduras fut littéralement réquisitionné par les Etats-Unis pour devenir la base arrière de l’armée mercenaire « Contra ». 10 années de guerre sale et 40.000 morts qui se résument en une ligne dans son CV.

Bien plus tard, il fut nommé ambassadeur des Etats-Unis en Irak occupé. Méga-pro-consul en somme. Puis il fut plus récemment nommé à la tête du NSA, le méga-service qui chapeaute tous les services de renseignement aux Etats-Unis.

Dans le petit Honduras, un président un peu de gauche a été élu pour la première fois. Il voulait organiser un référendum. L’armée, formée à l’école dite « des Amériques » des Etats-Unis a répondu « non, pas possible ». Le président a dit « c’est pas toi qui commande ». L’armée a répondu « C’est vrai. Je ne fais qu’obéir aux ordres. ». Et bang : coup d’état. L’armée : « alors, c’est qui le chef ? ». On se le demande et personnellement j’ai ma petite idée. (1)

- « je peux te redonner les coordonnées du médecin, si tu les a perdues. »

Finalement, que l’Occident soutienne les opposants en Iran, sans trop se poser la question s’il y a eu effectivement fraude ou pas, ne devrait pas étonner. Il est évident que l’identité du vainqueur les intéresse moins que l’identité du prochain président. Nuance. Après tout, c’est quand même ici qu’un Congrès félon s’est réuni en catimini pour adopter des traités constitutionnels que le peuple avait rejeté. C’est quand même ici qu’on s’est juré de faire revoter les Irlandais jusqu’à ce qu’ils votent « correctement ». C’est quand même ici qu’on a refusé de reconnaître l’organisation que le peuple de Gaza avait démocratiquement élu. C’est quand même ici qu’un président des Etats-Unis a été désigné par la Cour Suprême et non élu. Et c’est encore le même qui est redevenu président alors qu’il avait encore perdu. C’est quand même d’ici que sont parties les agressions militaires contre l’Irak et l’Afghanistan.

C’est quand même ici qu’a été démontré maintes fois l’attachement de l’Occident aux droits de l’homme et à la démocratie, attachement qui est sincère, inconditionnel, profond et non négociable.

Sauf si nous avons un truc à vendre et eux les moyens de payer. Sauf si eux ils ont un truc à vendre et nous les moyens de le voler. Sauf si dans l’acte d’accusation les lettres I-S-R-A-E-L apparaissent (de préférence dans cet ordre - mais ça c’est même pas sûr…). Et sauf, évidemment, lorsque cela ne nous intéresse plus. Ah notre démocratie, elle-même si bien vendue par nos médias, eux-mêmes si bien gérés par nos marchands d’armes.

Tiens, j’ai regardé récemment un débat sur la chaine Al Jazeera, (vous savez, la chaine du Hezbollah - ou du Hamas, au choix). La chaine avait réunie autour d’un plateau des anciens détenus de Guantanamo, leurs avocats, un responsable américain qui tentait de défendre le camp, et même un soldat, ex-tortionnaire. Le débat fut long, courtois, et profond.

- T’as vu ? Al Jazeera, la « chaine des islamistes »… C’est pas ici qu’on verrait un truc pareil

- "Ca c’est sûr,, on pourrait pas faire une émission pareil chez nous…"

- Comme quoi…

- Et heureusement, parce que c’est pas chez nous qu’on verrait une animatrice porter un foulard.

Il n’avait rien remarqué d’autre. Militant pourtant. D’un Parti de Gauche, parait-il. Le choc des civilisations en kit à lui tout seul, genre « Occident über alles ».

Mais bon, finalement, ça m’apprendra de ne pas avoir de télé car on finit toujours par rater un épisode.

Viktor Dedaj
« toutes voiles dehors. »

(1) au moment de rédiger ces lignes, COMAGUER publie une analyse sans faute du personnage. Negroponte, ce héros

En différé du Grand soir

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L'apiculteur sans abeilles



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30 juin 2009

La FIDH remet en cause l'équité du procès Colonna

La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) demande à la France d'abandonner les lois d'exceptions, afin, selon elle, "d'éviter le soupçon qui pèse sur la décision de justice qui a clôturé le procès".

a Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) a estimé mardi 30 juin que "la question du caractère équitable" du procès en appel d'Yvan Colonna "est clairement posée", après la condamnation fin mars du nationaliste corse à la réclusion criminelle à perpétuité.
"Au-delà des vicissitudes de l'audience, quand bien même le procès d'appel se serait déroulé dans d'excellentes conditions, ce sont bien les lois de fond et de forme en matière de terrorisme qui sont en cause", assure dans un rapport la FIDH.
La fédération avait envoyé des observateurs à ce procès devant la cour d'assises spéciale de Paris, à l'issue duquel un jury de magistrats professionnels avait une nouvelle fois reconnu Yvan Colonna coupable de l'assassinat, le 6 février 1998 à Ajaccio, du préfet de Corse Claude Erignac, le condamnant à la peine maximum : la perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans.

"Une remise en cause des procédures de droit commun"

La FIDH dénonce une nouvelle fois les lois antiterroristes françaises qui, "en accordant des pouvoirs considérables notamment aux forces de police, méconnaissent les droits essentiels des personnes".
Elle demande à la France "d'abandonner une justice d'exception en revenant au droit commun, seule manière d'éviter le soupçon qui pèse sur la décision de justice qui a clôturé le procès d'Yvan Colonna".
"La gravité des incriminations ne saurait justifier la remise en cause des procédures de droit commun qui garantissent les droits fondamentaux", relève-t-elle, demandant notamment la suppression du chef "d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" en quoi elle voit une "incrimination fourre-tout dont il est démontré qu'en pratique, son usage repose sur un minimum de preuves objectives et indépendantes".
(nouvelobs.com, avec AFP)

Nouvel Obs

28 juin 2009