25 juil. 2009

De l’eau "B’EAU PAL" pour réveiller Dow Chemical


Le Dursban est un pesticide fabriqué par Dow Agrosciences, la filiale indienne du géant de la chimie Dow Chemical. Hautement toxique, en particulier chez les enfants, il peut endommager le système nerveux, altérer la croissance… Sa vente a été interdite aux Etats-Unis mais Dow vend pour 500 millions de $ de Dursban par an à travers le monde, et affirme que ce produit est « sans danger »...

Dow Chemical, c’est précisément le groupe qui a racheté Union Carbide, responsable en 1984 de la plus grave catastrophe industrielle de toute l’histoire, celle de Bhopal, en Inde : depuis 25 ans, 23.000 morts et 500.000 victimes. Cette semaine, une délégation indienne est venue à Londres pour rappeler à Dow son horrible héritage : une bouteille d’eau contaminée, qui répond au doux nom de “B’EAU PAL”.

Ce sont les contre-propagandistes The Yes Men qui ont monté cette opération “souvenir”. En concevant une vrai-fausse bouteille d’eau minérale, avec logo rouge et blanc rappelant celui de Dow (la B’eau Pal Water a même un vrai-faux site web). Le document “nutrition” détaille les concentrations des trois principaux polluants qui persistent dans les nappes phréatiques de la cité indienne :
- dichlorure de méthane (400% au dessus des normes létales quotidiennes) ;
- chroloforme (250% au delà des normes) ;
- et surtout le tetrachlorure de carbone, dont la présence dans une seule bouteille de B’Eau Pal représente 200.000% la dose quotidienne mortelle !


C’est sans doute pour ça que, le 13 juillet, lorsque la délégation indienne est venue manifester devant le siège de Dow, les locaux de l’entreprise avaient été bouclées le matin même par la direction…

D’après le compte-rendu des Yes Men, si Dow Chemical a toujours refusé de prendre en charge les conséquences de la catastrophe depuis son rachat d’Union Carbide, en revanche ils ne manquent pas une occasion de “verdir” leur image de marque.

Le PDG Andrew Liveris a dernièrement déclaré que « le manque d’eau potable et la plus grande cause de maladie dans le monde et plus de 45.000 enfants en meurent chaque jour » (sic). N’hésitant pas à ajouter que « Dow s’est engagé à créer une des approvisionnements d’eau plus sûre et durable sur toute la planète ».

Les Yes Men et les militants indiiens — dont Sathyu Sarangi, le responsable de la Sambhavna Clinic de Bhopal qui se bat encore aujourd’hui avec les conséquences sanitaires de la catastrophe — ont alors fait leurs petits calculs. Le salaire annuel de Liveris dépasse les 16 millions de dollars. Avec cette somme, « il pourrait offrir à chaque enfant qui doit mourir de l’eau insalubre 10$ par jour pour acheter des bouteilles d’Evian ou de Perrier. Ou alors, pour une somme bien moins importante, il pourrait leur construire des canalisations propres et sûres, exactement comme celles dont manque cruellement la population de Bhopal. »

Dans la nuit du 2 au 3 décembre, 40 tonnes d’isocyanate de méthyle, un gaz hyper toxique servant dans le fabrication de pesticides, s’échappent de l’usine UC située en pleine ville, et le jour même on compte déjà des centaines de morts. Près de 25 ans après, le bilan est effroyable : plus de 23.000 morts directes ou indirectes, et environ 500.000 victimes, malades ou handicapés à vie.



Le photographe français Micha Patault a travaillé sur place avec les association de Bhopal depuis 2005, et il vient de publier un ouvrage en hommage aux victimes, disponible sur le site fédérateur Bhopal.org. Il rappelle les fais suivants :

Aujourd’hui, 170 000 personnes manquent de soins médicaux adaptés et ont besoin d’un soutien économique. Une coalition de trois ONGs se bat depuis 23 ans réclamant justice et réparation. L’usine américaine de pesticide Union Carbide et ses environs n’ont subi aucune décontamination. Les produits des plus toxiques ont infiltré les sols et les nappes phréatiques, polluant l’eau que consomment 5 000 familles vivant aux alentours, soumises aux aléas de l’approvisionnement en eau potable. Les effets de la catastrophe ouvrent alors un nouveau chapitre : L’eau produit des effets irréversibles sur la nouvelle génération.


En 2009, la situation est d’autant plus critique que la région du Madhya Pradesh, celle de Bhopal, est en train de subir une grave sécheresse, comme l’a rapporté The Guardian — juste trois ans après avoir été victime des pires inondations jamais vécues dans la région. « Même si des personnes continuent de mourir par centaines de milliers, alors que le changement climatique va en tuer encore plus, les compagnies comme Dow ne sont pas obligées de baisser leurs émissions », regrette le chef de la clinique Sambhavna, Sathyu Sarangi. « Bhopal devrait être une leçon pour le monde entier — que l’on devrait méditer avant qu’il ne soit trop tard pour toute le monde. »

- Le prochain film des Yes Men sort le 11 août.

- Sur Numerolambda : voir un documentaire d’Al Jazeera qui retrace la catastrophe, et revoir une imposture des Yes Men qui se sont fait invité sur le plateau de la BBC en sa faisant passer pour un porte-parole de Dow, en 2004, 20 ans après.



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